Au Malawi, une cheffe annule 330 mariages d'enfants

Dans un pays où la moitié des filles sont mariées avant leurs 18 ans, ONU Femmes a joué un rôle clé dans le lobbying en faveur d'une nouvelle loi qui relève l'âge légal du mariage, tout en menant des activités de sensibilisation et en collaborant avec des chefs traditionnels pour faire annuler les mariages.

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En juin 2015, la cheffe suprême Inkosi Kachindamoto a annulé 330 mariages coutumiers, dont 175 concernaient des filles-épouses et 155 des garçons-pères, dans le district de Dedza, dans la Région centrale du Malawi. L'objectif était d'encourager ces jeunes à reprendre leur scolarité et à poursuivre une enfance saine.

La cheffe principale Inkosi Kachindamoto soutient la pancarte de la campagne Tous unis pour mettre fin à la violence contre les femmes au Malawi. Photo: ONU Femmes

Bernadetta Matison, 17 ans, était de leur nombre. Mariée à l'âge de 15 ans, elle est tombée enceinte la même année. « J'ai arrêté l'école parce que j'étais enceinte, dit-elle. J'ai vu le mal que peut faire un mariage précoce. Quand j'y pense aujourd'hui, je me rends compte qu'il n'est pas bon de se marier si jeune. En fin de compte, on manque toujours des choses qui nous avaient amenées à nous marier au départ, comme du savon, des lotions et d'autres articles de base. Certaines sont même battues, ce qui n'est pas bien ».

Le mariage d'enfants et la grossesse restent les causes principales du taux élevé d'abandon des études chez les filles. Les nombreuses filles qui ont quitté l'école ont peu d'occasions de gagner leur vie, ce qui les rend vulnérables à diverses formes de violence basée sur le genre. Bien que l'on compte le même nombre de filles et de garçons dans les premières années d'école primaire au Malawi, 45 pour cent des filles seulement continuent leur scolarité après la huitième année d'études (équivalent de la 4e).

Alors qu'on ne peut mettre fin aux mariages civils que dans le cadre du droit civil, les mariages coutumiers sont réglementés par les gardiens de la culture. Par conséquent, ONU Femmes Malawi a collaboré avec des chefs traditionnels, dont la cheffe Kachindamoto, pour lutter contre les pratiques culturelles et religieuses qui ont permis les mariages d'enfants.

« Je ne veux pas de mariages précoces », a déclaré Inkosi Kachindamoto. « Les jeunes doivent aller à l'école... On ne devrait pas voir d'enfants traîner à la maison ou s'occuper des tâches ménagères pendant les heures d'école ». La cheffe affirme clairement que, quand elle était jeune, les occasions qui s'offrent aux jeunes d'aujourd'hui n'étaient pas à sa portée. En effet, le mariage précoce était alors la norme.

Au Malawi, en 2012, une fille sur deux était mariée avant l'âge de 18 ans et d'après le Fonds des Nations Unies pour la population, le pays enregistre l'un des taux de mariage d'enfants les plus élevés au monde : il se classe au huitième rang des 20 pays considérés comme ayant les taux les plus élevés dans ce domaine.

Grâce à des efforts de plaidoyer continus, ONU Femmes et ses partenaires ont joué un rôle de premier plan dans la sensibilisation sur la question et dans le lobbying en faveur d'un changement de la législation. ONU Femmes a notamment mené des activités de lobbying et de formation des parlementaires, collaboré avec des cheffes et chefs traditionnels et mobilisé la société civile pour plaider en faveur de la promulgation d'une loi. Après plus de 12 ans de préparatifs, la loi sur le mariage, le divorce et les relations familiales a été votée au Parlement du Malawi en février et promulguée en avril 2015. Elle relève l'âge minimum du mariage sans autorisation parentale à 18 ans, mais n'a pas d'impact sur les jeunes hommes et femmes déjà mariés.

La décision de la cheffe Kachindamoto s'est tout d'abord heurtée à la résistance d'autres chefs communautaires et leaders d'opinion, des jeunes couples et de leurs parents — surtout dans le cas de mariages impliquant une dot, mais elle a poursuivi sa campagne de porte-à-porte dans la communauté auprès des groupes de femmes, des membres des comités de développement villageois, des chefs religieux et des ONG, faisant du lobby, menant des activités de sensibilisation et annulant même des mariages.

De plus, elle a suspendu les chefs de village qui avaient consenti à des mariages d'enfants, car les règlements de la communauté les interdisaient, même avant la promulgation de la nouvelle loi sur le mariage. Maintenant que la législation reconnaît le rôle joué par les chefs, les annulations de mariage pourront plus facilement être réglementées en vertu de cette loi.

« Je parle aux parents. Je leur dis : si vous éduquez vos filles, vous ne manquerez de rien à l'avenir », a déclaré la cheffe Kachindamoto.

La nouvelle loi et les annulations de mariages ont ouvert un nouveau champ de possibilités pour les jeunes femmes comme Stella Kalilombe, 21 ans, qui a été mariée à 16 ans et a subi une relation marquée par la violence pendant de nombreuses années. « J'ai souffert, mais j'ai survécu », dit-elle. « C'est pourquoi j'ai décidé de retourner à l'école, pour façonner ce futur, un avenir fait d'espoir, de paix et de bonheur pour ma famille et moi ».

ONU Femmes continuera d'appuyer les cheffes et chefs traditionnels ainsi que le ministère du Genre, de l'Enfance et des Affaires sociales pour veiller à ce que les changements récents apportés à la loi sur le mariage soient bien compris et mis en œuvre et que le ministère soit en mesure de faire progresser les futurs travaux sur l'égalité de genre.